Lu dans le journal "Le monde"
L'histoire
Les chevaux irlandais connaissent aussi la crise
| 02.12.10 | 16h10 • Mis à jour le 02.12.10 | 16h11
Londres CorrespondanteDans le Donegal, la semaine dernière, Navenny Place, un immeuble de 47 appartements, mis en vente au prix plancher de 300 000 livres (357 000 euros), n'a pas trouvé preneur. Devant l'hôtel où se déroulait la vente aux enchères, une centaine de personnes représentant des entreprises du BTP manifestaient pour réclamer les 900 000 euros que le promoteur, en faillite, leur doit. Cette scène de la vie quotidienne d'une Irlande en crise raconte en quelques lignes la grandeur et la décadence de ce petit pays mis à terre par la situation financière.
Mais il n'y a pas que l'immobilier, dont les prix ont flambé à des niveaux astronomiques avant de s'effondrer, emportant dans leur descente des propriétaires surendettés, qui symbolise le déclin du tigre celtique. Il y a aussi tous ces chevaux abandonnés que l'on voit traîner sur des terrains vagues, affamés et fatigués, souvent malades ou blessés. Ils seraient quelque 20 000 dans cette situation, selon les estimations. Soit un tiers du cheptel irlandais.
Il fut un temps où il était de bon ton de posséder son cheval dans ce pays qui détient aujourd'hui le record européen du nombre de canassons par tête. C'était par excellence l'animal domestique à la mode pour tous ceux qui avaient fait de bonnes affaires. Le signe extérieur de la réussite en plus de la dernière voiture et des vacances au soleil en hiver.
50 euros la bête
Au temps du boom économique, "un cheval qui n'était pas un pur-sang se vendait jusqu'à 4 000 euros", explique-t-on à la Dublin Society for the Protection of Animals. Aujourd'hui, il vaut à peine 50 euros. "Le prix a tellement baissé que n'importe qui peut s'offrir un cheval, confirme Conor Dowling, de la Irish Society for the Prevention of Cruelty to Animals. J'en ai vu qui étaient échangés contre un vieux téléphone portable."
Il faut dire qu'en temps de crise on a tendance à se séparer d'abord de ce qui coûte cher, surtout lorsque c'est un luxe. Conséquence, les chevaux SDF sont légion aujourd'hui. Et personne ne sait comment régler leur cas. Le sujet a même été discuté au gouvernement, entre deux plans d'austérité. Sans qu'une solution ait été élaborée. Certains prônent l'abattage pur et simple. D'autres suggèrent de développer le marché de la viande chevaline, en sachant qu'il y a déjà cinq usines irlandaises spécialisées sur ce créneau dont les produits sont, pour l'essentiel, exportés en France, en Italie, en Belgique et aux Pays-Bas.
Mais toutes les montures ne font pas de bons steaks. Pour qu'elles soient comestibles, elles doivent être équipées d'une puce électronique, ne jamais avoir été traitées avec du phénylbutazone, un anti-inflammatoire courant, et en possession d'un passeport les autorisant à finir dans une assiette. Autant dire que cela limite les possibilités.
Virginie Malingre